Commentaires de films faits par pwachevski
Répliques de films par pwachevski
Commentaires de films appréciés par pwachevski
Répliques de films appréciées par pwachevski
Mais ce que j'ai le plus apprécié dans ce film, ce sont les ambiances qu'il arrive à reproduire, pour former au global un portrait assez intéressant des États-Unis des années 70. On peut y aussi bien retrouver les courants religieux/mystiques à la mode, avec cette délicieuse voyante qui fait ses prédictions grâce à l'aide de son ami détective - critique un poil grinçante mais très bien menée. On peut y retrouver l'obsession pour la richesse, la réussite personnelle, le "self-made man". On a des lieux emblématiques des films de l'époque, comme la station-service. On a des personnages secondaires qui nous marquent, même si on les voit que quelques secondaires, comme cette nana un peu hippie qui grave les pierres tombales.
Bref, en plus d'être un film m'ayant semblé très distrayant et accrocheur, j'ai absolument adoré ce charme vintage qu'il dégage lorsqu'on le regarde aujourd'hui.
C'est en tout cas l'impression que j'ai eu avec ce film précis. J'ai aimé l'originalité de se concentrer sur la résistance allemande, qui était déjà active avant la guerre, ce n'est clairement pas le genre de thématiques qu'on revoit partout. Mais tout ça pour s'intéresser à une anecdote : un échange de documents secrets entre un anglais et un allemand qui ont fait leurs études ensemble, durant les accords de Munich de 1938. Le film peine un peu à faire ressentir l'importance du moment, faut littéralement attendre la fin du film où on nous écrit à l'écran les conséquences pour comprendre la stratégie du Premier ministre anglais.
Le film a cependant une belle qualité selon moi, c'est qu'il est tout simplement très distrayant et prenant, sur toute sa durée. On n'est pas réellement dans une approche classique de film historique, on emprunte bien plus au thriller et au film d'espionnage. L'ensemble a un rythme soutenu et accrocheur. On donne la part belle aux personnages non-historiques, qui sont de loin les plus attachants et les plus fouillés. On prend bien plus plaisir à essayer de décrypter leurs états d'âmes que ceux des personnages historiques. Je pense à ce duo d'anciens amis d'université, Hugh l'anglais joué par George MacKay et Paul l'allemand joué Jannis Niewöhner ; je pense aussi à Helen, jouée par Sandra Hüller, petit rôle, mais importante pour faire avancer l'intrigue.
D'un point de vue technique, le film est assez propre dans son ensemble, mais j'ai quand même trouvé que certains détails n'allait pas.
Après, on sera probablement tous d'accord pour dire que ce n'est pas le film le plus mémorable ou ayant le plus d'intérêt de la filmographie d'Hitchcock, d'où ma notation relativement mesurée.
La première partie de l'histoire traite principalement de la vie professionnelle de ses personnages. On y met en scène des pratiques aujourd'hui largement considérées comme désuètes, voire choquantes. La relation entre Mark, "le patron" joué par Sean Connery, et sa secrétaire Marnie, jouée par Tippi Hedren, est juste hyper malsaine. Aussi charmant soit Sean Connery (et Dieu sait que je trouve Sean Connery charmant), la plupart de ses actions serait aujourd'hui simplement considérées comme du harcèlement sexuel... Leur relation évoluera au fil du film, mais pas pour le meilleur, puisque le pompon est atteint ensuite
Je sais bien qu'il faut replacer le film dans son contexte et dans son époque, mais il n'empêche qu'avec mes yeux et ma façon de penser de 2024, c'est un peu fort de café tant on est dans le cliché du personnage féminin à la fois plante verte et victime, mais jamais sujet de sa propre vie. Ça se poursuit dans l'interprétation, avec une actrice complètement objectifiée, devant visiblement être parfaite en toute circonstance, même quand ça fait perdre toute crédibilité au film. Genre, elle se réveille en pleine nuit maquillée et brushingée ; elle n'est JAMAIS démaquillée, même quand Mark la complimente pourtant explicitement dans une scène sur sa beauté même sans maquillage. Bon, ça encore à la limite, on peut trouver ça drôle. Mais ce putain de filtre floutant sur l'intégralité des plans un peu rapprochés de Tippi Hedren, on en parle ?!! Outre le fait qu'il se voit, il crée un écran supplémentaire entre elle et le spectateur, qui fait complètement perdre en qualité à la réalisation.
Et si encore il n'y avait que ça... Mais non, bien d'autres points ne vont pas du tout dans le traitement du personnage de Marnie. Ce personnage a clairement des troubles d'ordre psychiatrique : ceux qu'on voit immédiatement, comme sa kleptomanie, ses phobies et obsessions, et ceux qu'on découvrira au fil du film [spoiler]notamment ce grave traumatisme remontant à l'enfance. La représentation et le traitement de ces troubles sont dépassés à tous les niveaux, et même problématiques, dans une certaine idée de "l'hystérie féminine". Globalement on nous dit qu'elle est à moitié folle et au mieux faire de la psychanalyse de comptoir. La résolution de son problème a absolument aucune crédibilité, et déplace le mérite vers Mark, plutôt que sur elle, et le travail qu'elle fait sur elle-même.
Que dire de plus que j'ai eu un mal fou à me projeter dans ce film, qui dans sa globalité a plutôt provoqué du malaise chez moi. Il aurait pourtant pu être intéressant et même audacieux si on avait traité de sa thématique différemment. J'aurais pour ma part bien vu une Marnie dans un personnage de "méchante" un peu assumée (façon Gone Girl, référence bien plus moderne), entrant d'égal à égal dans le jeu de manipulation avec Mark. Puisqu'en réalité, il aurait très facilement pu se faire aveuglé par l'attirance qu'il ressent pour elle. Cela aurait donné, pour le coup, une vraie puissance à Marnie et ça aurait rééquilibré la relation.
Même la réalisation ne m'a pas semblé au niveau habituel de Hitchcock. Outre ce problème de filtre sur l'actrice, j'ai trouvé ça un peu plat. Oui la mise en scène fonctionne dans sa globalité, mais il n'y a pas de scène vraiment marquante ou audacieuse de ce point de vue ; à part la scène de chasse à courre. Sean Connery m'a semblé plutôt bon dans son rôle, Diane Baker dans le rôle secondaire de Lil m'a bien plu également. En revanche Tippi Hedren m'a semblé assez quelconque, ne mettant pas assez de nuances dans l'interprétation de son personnage, il est vrai complexe. La BO est assez marquante mais malheureusement répétitive.
Précisons que malgré un humour parfois un poil absurde, le film n'est jamais méprisant pour ces personnes. Il cherche au contraire à retranscrire cet univers avec réalisme, mais aussi à lui donner un vrai traitement cinématographique, comme on le ferait assez naturellement pour des métiers plus valorisés. On multipliera ainsi les travellings et autres effets de réalisation, on soignera la BO, pour trouver de la beauté dans cet univers. Et même, disons le, de la poésie dans ce ballet des chariots élévateurs qui se joue dans le supermarché - le titre du film n'a pas été choisi pour rien. Et cela fonctionne réellement. Le film est baigné d'une émotion assez sincère. Il y a une sorte de mélancolie dans cette intrigue, mais qui n'est jamais pesante.
On tournera principalement autour de trois personnages, Christian (Franz Rogowski), Bruno (Peter Kurth) et Marion (Sandra Hüller), qui sont tous les trois crédibles, assez finement écrits, et parfaitement interprétés. Un point bonus pour Bruno, qu'on ne voit pas vraiment arriver au tournant.
Dans les moins, j'ai trouvé que le film avait un petit coup de mou au niveau du rythme dans sa partie centrale, mais rien de bien méchant.
C'est un film d'espionnage se passant principalement à Berlin Est, où est envoyé le beau Paul Newman. Bien loin du cliché du charmeur à la James Bond, il joue ici un physicien espion, devant soutirer une formule à un scientifique allemand. Mais alors qu'il lourde sa fiancée, jouée par la malicieuse Julie Andrews, juste avant le voyage pour l'Allemagne, cette dernière décide de le suivre en cachette, et se retrouve malgré elle prise dans ce même tourbillon.
C'est une construction assez basique pour un film d'espionnage, souffrant par ailleurs quand même de quelques facilités d'écriture
Le binôme principal a une dynamique assez parfaite, car je trouve qu'on arrive à croire à leur couple. J'ai quand même un peu de mal à me faire une opinion tranchée sur le personnage de Sarah, un peu potiche sur les bords, mais elle dispose aussi d'instants où elle prend des initiatives et décisions, fait preuve d'une belle force de caractère et intelligence ; finalement l'archétype de la contradiction de la femme hitchcockienne. La galerie de personnages secondaires est assez délicieuse, je pense au policier allemand pensant connaître l'Amérique, à bourgeoise avec son collier de perles, à la un peu folle mais touchante polonaise cherchant à fuir ou l'impatient scientifique allemand. Le film fourmille également de détails qu'on se plaît à trouver et décortiquer : un champ de ruines en arrière-plan d'une vue de Berlin Est, un caméo d'Hitchcock dans un hall d'hôtel, etc.
Mais surtout, ce qui fait que le film fonctionne si bien, c'est son mélange de rythme entrainant et de mise en scène hyper moderne pour l'époque. Littéralement, on arrive à nous accrocher, à maintenir une tension et du suspense jusqu'à la dernière scène du film, et ça, c'est quand même remarquable. Parmi les mises en scène n'ayant pas pris une ride, j'ai envie de citer le combat au corps-à-corps dans la ferme, qui est vraiment haletant. J'ai beaucoup aimé aussi la scène où on se perd dans les couloirs du musée, d'une précision assez remarquable, avec son travail sur les bruitages, créant une menace qu'on ne voit pas. La scène du bus fonctionne également très bien, conservant une belle tension malgré sa longueur et pour le coup une technique vieillissant.
Malgré tout, ce n'est pas réellement un biopic "classique" sur ce poète, déjà, car on ne cherche pas franchement la réalité historique, mais aussi parce que c'est bien Henriette qui est l'héroïne du film. C'est à elle qu'on s'intéresse principalement, pour essayer de montrer le cheminement de son esprit, ce qui l'a amené à faire ce curieux choix, comment son entourage, consciemment ou non, a pu l'y mener. Le dilemme moral d'Henriette présente un intérêt, en tout cas, il pousse à une certaine réflexion. Mais l'exécution concrète me laisse plus que sceptique.
J'ai tout bonnement détesté le traitement du personnage de Heinrich. J'ai trouvé son personnage caricatural à souhait. On voit vraiment qu'on surjoue à l'extrême le côté lunaire et égocentrique de sa personnalité. Mais ce n'est pas juste un personnage que je n'ai pas apprécié, le problème c'est réellement qu'il n'est pas crédible et, par conséquent, entache à son tour la crédibilité de tout le reste de l'intrigue. On fait pourtant des efforts pour nous l'expliquer, mais le choix d'Henriette persiste à être très mystérieux ; pourquoi fait elle "ce cadeau" à une personne si détestable ?! Même elle, dans ce film, ne semble lui trouver aucun attrait !
Puis on ne va pas se mentir, c'est ni le rythme soporifique du film ni l'interprétation absolument monocorde, et là aussi assez caricaturale, des deux acteurs principaux qui nous aideront à nous accrocher au film. Apparemment, c'est ce que j'ai lu en tout cas, tout ça était parfaitement volontaire pour faire référence au romantisme allemand de la même époque. Je ne connais pas Brite Schöink (Henriette), mais Christian Friedel (Heinrich) était très bien dans la Zone d'intérêt ou dans Elser, il est expressif en vrai, ce n'est pas sa façon habituelle et spontanée de jouer, donc je veux bien croire que c'est un effet recherché, pas un manque de talent. Mais pourquoi au juste ?! C'est d'un chiant...
Ou alors, éventuellement, il aurait alors fallu aller encore plus loin dans ce parti-pris. Par exemple, Sandra Hüller a un rôle secondaire, on la voit peu, mais elle marque pourtant beaucoup le film... tout simplement parce qu'elle joue normalement, elle. Déjà que c'est une bonne actrice, mais alors là, en comparaison avec la monotonie des autres, elle ne peut que crever l'écran. Chouette pour elle, mais catastrophe pour l'équilibre du film : pourquoi avoir marqué une telle différence dans le style de jeu ? Ou encore, tout le long du film il y a cette espèce de ton un peu caricatural, on sent bien qu'on porte un regard critique sur le personnage de Heinrich mais aussi plus largement sur la société de l'époque. Mais on ne bascule jamais franchement ni dans l'humour, ni au contraire dans une analyse un peu fouillée des bouleversements en cours dans cette société.
La qualité de la réalisation sauve un petit peu le film, mais pas complètement non plus. Jessica Hausner pourrait donner des leçons de composition d'image à plus d'un réalisateur plus connu. On sent que chacun des plans de son film a été savamment pensés, construits, réfléchis ; avec là encore des touches un peu absurdes qui s'y glissent, notamment avec les chiens omniprésents. J'ai moins compris, en revanche, le choix d'une mise en scène aussi minimaliste par moment. Les plans fixes à la limite, comme pour renforcer l'enfermement et l'étroitesse d'esprit des personnages. Mais les voir ainsi plantés comme des piquets, à pas savoir quoi faire de leurs bras : non. On regrettera aussi quelque chose d'un peu faux dans les costumes des personnages. Je ne sais pas comment dire mais ça fait costumes pour le coup, pas "vrais vêtements de l'époque".
Là où un huis clos classique vient renforcer son ambiance par sa situation d'enfermement, ce huis clos, mais ouvert quand même, me donne plutôt un sentiment de stagnation, de surplace, d'immobilisme. Qui pourrait être compensé par un rythme haletant... raté. L'intrigue est très longue à se mettre en place (bien 30-40 minutes pour que les choses commencent réellement). Je dois avoir l'honnêteté de reconnaître que le dernier tiers se rattrape bien de ce point de vue, mais je peine à accrocher quand même. Ça pourrait aussi être compensé par un scénario remarquable... raté encore. Je ne peux pas dire qu'il soit mauvais, mais rocambolesque, peu crédible et assez court, ça, je peux le dire sans trop d'hésitation.
Le film garde cependant pour lui sa mise en scène novatrice et efficace, s'inscrivant dans un décor absolument remarquable. Le duo d'acteur principal, James Stewart et Grace Kelly, fait également très bien le job, même si leur couple m'a semblé un peu artificiel.
La forme m'a cependant, malgré cela, toujours semblé séduisante. Le léger manque de fluidité de l'animation est compensé par un indéniable sens cinématographique, avec des points du vue et autres mises en scènes toujours très bien pensés. Les choix de couleur sont également très beaux, les paysages par exemple, on dirait des tableaux par moment. Rappelons que la BD était en noir et blanc, donc il a vraiment fallu inventer de toute pièce cette ambiance. Une BO bien présente sans être ni envahissante ni soulante, ainsi qu'un doublage assez soigné viennent compléter l'ensemble.
Je serais un peu moins tendre avec le fond. En soit l'intrigue fonctionne, c'est l'adaptation de ce qui me semble être l'un des albums les plus connus de la BD, en tout cas une intrigue qui avait déjà fait ses preuves. C'est une sorte de chasse au trésor, en 1919, entre la Chine et la Russie. En plus du voyage géographique, en bateau, mais surtout en train, on voyage donc aussi dans le temps, avec de pertinentes références à la Première Guerre Mondiale et à la Révolution Russe. Mais cette dense intrigue m'a semblé presque trop écrite. Dès la première scène, on est extrêmement verbeux, avec une façon très peu naturelle de s'exprimer. On comprend tout de suite qu'il va falloir être concentré pour comprendre ce film... Mais en même temps, le rythme est tellement mou, il y a tant de personnages et d'organisations différentes, et on complique parfois tellement inutilement la narration (la brumeuse première scène à Venise par exemple) qu'il est difficile de l'être véritablement. La tentation de décrocher est grande.
Bref, l'ensemble est assez bien foutu, mais malheureusement trop court ! 50 minutes à peine. Alors que je suis sûre que le contenu ne manque pas. On aurait pu donner la parole à plus de personnes, montrer des images d'archives, parler de cette monumentale cathédrale orthodoxe au milieu du quartier qu'on voit régulièrement, qui personnellement m'a semblé en décalage total avec le reste, mais dont on ne dit pourtant rien, on aurait pu faire des parallèles avec d'autres villes fantômes ou d'autres zones abandonné par la Russie après la chute de l'URSS, etc.
Mais pour le reste, c'est un documentaire très instructif, fouillé et perspicace. Vous vous doutez bien que le portrait est clairement à charge, mais jamais caricatural, sachant argumenter et prouver tout ce qu'il avance. Je pense vraiment que le film a toujours beaucoup d'intérêt à ce jour (et d'autant plus avec la désinformation existante autour de la Russie et de Poutine), pour mieux cerner le personnage, et voir que les événements actuels ne sortent définitivement pas de nulle part.
La première moitié du film est dédiée à la lente mais méticuleuse ascension au pouvoir de Poutine ; probablement ce que l'on connaît le moins. On donne déjà à voir des aspects de sa personnalité et de sa vision politique et du pays et c'est aussi l'occasion de revenir plus largement sur les jeux politiques après la chute de l'URSS. On donne des définitions claires de concepts qui paraissent parfois un peu brumeux, comme les oligarques. On décrypte avec la même efficacité des situations complexes, comme la position de la Tchétchénie. On ne fait pas strictement le portrait d'un homme, on explique bien plus largement le contexte dans lequel il s'inscrit, ce qui pourrait tout à fait intéresser les amateurs de politique ou les personnes souhaitant mieux connaître et comprendre la culture et la société russe.
La seconde partie parle de Poutine au pouvoir. On montre sa façon, souvent brutale, de mettre en application ses idées. On met en lumière le rapport, pouvant paraître surprenant, que le peuple russe entretient vis-à-vis de lui. On s'inscrit aussi plus dans un contexte plus international, n'hésitant à pas à critiquer la complaisance que les autres dirigeants du monde pouvaient avoir à son égard. Une seconde partie où on découvre moins de choses, mais qui séduit malgré tout, car on y retrouvera la même rigueur dans son approche.
Bien entendu, c'est aussi la jolie réalisation. On esthétise à merveille le désert ambiant, les grands espaces, mais aussi la ville. C'est un certain portrait des États-Unis qu'on nous fait finalement. On sait aussi très bien filmer ses merveilleux acteurs, ne cachant rien de leur émotion, mais sans être voyeuriste pour autant, même quand le sujet aurait pu tourner au graveleux. Pour finir de parfaire l'ambiance, sa BO lancinante, un peu dans l'esprit d'un western, à la fois éloignée et proche de l'esprit du film.
Mais parfois les œuvres qui nous séduisent de suite sur la forme ne suivent pas sur le fond. Rien de ça ici, bien au contraire. Avec une intelligence folle, on fait monter crescendo une émotion, jusqu'au sommet qu'elle atteindra à la fin. Et là encore, on ne fera pas le choix de la facilité. On nous propose une intrigue très originale, avec de multiples implications, selon le personnage auquel on s'identifie, le point de vue qu'on décide d'embrasser. C'est un film très profond, mais surtout profondément humain, sondant avec justesse l'âme de ses personnages, de tous ses personnages.
Et c'est là que je suis très déçu, car on passe complètement à côté de cette possibilité. Mis à part l'aspect musical qui a été supprimé, et un personnage de moins, puisqu'on passe de 8 à 7 femmes, je n'ai pour ma part perçu aucune différence dans l'intrigue, même quand il aurait été de bon ton de le faire. On parle d'une intrigue écrite dans les années 1950, adaptée au cinéma il y a 20 ans déjà, bref ça a vieillit, et même mal vieillit parfois. Rien d'anormal, je ne dis pas que ces œuvres doivent être jetées, juste remises dans un contexte. Mais en revanche, si on en refait une adaptation actuelle, il faut alors en faire une œuvre actuelle.
Or, bien au contraire, on flirte ici avec la misogynie à de très nombreuses reprises, si on n'y tombe pas carrément. On a une brochette de belles femmes éperdument amoureuses d'un vieux monsieur désagréable ; difficile de comprendre ce qu'elles lui trouvent. Le pauvre homme en plus, il se sent "épuisé" de toutes ces sollicitations, il se trouve mal aimé - attendez, je vais prendre un mouchoir pour pleurer. On exploite de très nombreux clichés féminins : jalousie, vénalité, superficialité, "hystérie"... On surjoue l'absence totale de solidarité entre elles. Par exemple : deux femmes découvrent qu'elles ont une liaison avec le même homme, donc... elles se battent. Elles ne se disent pas que c'est un gros con qui ne mérite ni l'une ni l'autre. On exploite des schémas tout faits et très peu reluisants, comme la fameuse "vieille fille", jouée en plus par une très jolie actrice, à qui on va dire sans pression pendant 1h qu'elle est moche ; good vibes, vraiment.
Vous ajoutez à ça une interprétation et mise en scène assez quelconque, ou plutôt trop théâtrale. Là aussi, on surjoue les choses, quitte à être totalement excessif. Par exemple Veronica, dont le moindre de ses mouvements veut dire "regardez, je suis sexy". Ainsi qu'un BO ringarde et assommante. Et le vous terminez ainsi de me perdre. L'ensemble reste assez distrayant, mais j'ai trouvé ça sans aucun intérêt.
Par contre sur le fond, j'ai trouvé le documentaire très intéressant. En plus de revenir sur l'histoire politique de la Russie, son ascension personnelle d'un militantisme anticorruption vers la politique, sur ses méthodes de travail assez novatrices, avec sa communication fondée sur les réseaux sociaux, on arrive aussi à tenir un propos qui se veut objectif et nuancé. Plus que jamais aujourd'hui avec sa mort, il est si simple de juste le présenter comme l'homme parfait, un symbole, un martyr, sans creuser plus que ça - ou à l'inverse pour les pro-Poutine, comme le dernier des minables. Bref d'un côté comme de l'autre, avoir un propos polarisé, tranché et sans aucune nuance. Alors que comme tout le monde, il était ni tout blanc ni tout noir.
Sans effacer son courageux combat, sans justifier d'aucune façon ce qu'il a vécu, le documentaire a quand même le courage d'interroger pour de vrai et de regarder en face notamment ses liens douteux avec l'extrême droite et le nationalisme, ainsi que les propos racistes qu'il a pu tenir à plus d'une reprise. On fournit pour moi un vrai travail journalistique, croisant les sources, même (et surtout) quand elles se contredisent, sans forcément défendre une théorie précise et préétablie. On laisse au spectateur sa part d'appréciation, de compréhension, de libre-arbitre. Pour cette raison, je trouve que ça constitue un portrait honnête et que le film est une parfaite option pour quelqu'un qui voudrait découvrir (pour de vrai) Navalny.
Le documentaire n'est pas mauvais du tout. Choisissant de nous montrer l'enquête qui a suivi sa tentative partiellement ratée d'empoisonnement en 2020, le film est même assez plaisant à suivre, avec son rythme entrainant, sa mécanique proche du thriller et son émotion sur la fin. Mais je l'ai trouvé beaucoup trop partiel. Je ne retrouve pas ce qu'on m'annonce pourtant noir sur blanc dans le synopsis "documentaire sur le vif" oui, mais "une analyse de Navalny, l'homme" ou "le portrait d'un leader", où ça au juste ?!
Alors même que Navalny en personne participe au documentaire, qu'on avait la chance de pouvoir l'interviewer face caméra, je trouve qu'on apprend rien ou si peu sur lui, son parcours, ses opinions et ambitions. Au-delà de la lutte anticorruption qui l'a initialement fait connaître et de son combat médiatique dans l'opposition, est-il une alternative crédible à Poutine ? Qu'a-t-il à offrir au pays ? On lui pose bien 2-3 questions non liées à son empoisonnement, mais c'est tellement superficiel, vite expédié, et absent de toute enquête pour le coup à ce sujet, que c'est totalement anecdotique dans le film (par exemple, quand on évoque ses liens douteux avec l'extrême droite, on nous donne son point de vue unique, qui lui est forcément favorable, et on ne fait ensuite aucun commentaire pour a minima nuancer).
Je trouve que c'est un vrai acte manqué, pour un documentaire plutôt à destination des non-russes, car il est difficile pour nous de voir au-delà du symbole de l'opposant dans un régime autoritaire ; le gentil face au méchant au pouvoir. Et plutôt que d'essayer de nous donner cette vision plus précise du personnage, on exploite complètement, purement et simplement ce symbole. Pour ma part, j'ai trouvé "Alexeï Navalny, l'ennemi de Poutine" ("Becoming Navalny" en VO) bien plus instructif, même si sa forme est infiniment plus classique.
Le casting poursuivra de nous réjouir. Edward Norton se donne le meilleur rôle, avec cet atypique détective atteint du syndrome Gilles de la Tourette, qu'il interprète à merveille. C'est à double tranchant pourtant, on aurait pu facilement tomber dans la caricature ou dans le "rôle à Oscars" trop calculé, je n'ai pas eu ce sentiment ici. J'ai trouvé le personnage assez juste, ce n'est ni une lubie ni une anecdote du film, on cherche vraiment à lui donner une construction crédible, en revenant à de nombreuses reprises sur son passé et son combat pour être accepté comme il est - et sans spoiler le reste, ça fera en plus un parallèle avec d'autres personnages du film. Mais bien loin d'être l'arbre qui cache la forêt, Norton a aussi su s'accompagner d'une superbe brochette d'acteurs de seconds rôles, entre autres Bruce Willis, Willem Dafoe et Alec Baldwin.
Edward Norton signe enfin le scénario du film, et c'est là que ça se gâte malheureusement pour moi. Ce n'est pas un plantage non plus, loin de là, une fois arrivée au bout du film, on se dit que tout cela est cohérent, que ça a provoqué des réflexions intéressantes et parfois très actuelles (la question du racisme est très présente). Mais que c'était bien laborieux tout de même... Ok, c'est une enquête, la résolution ne doit pas être évidente, mais là, on part un peu dans tous les sens, on fait des détours énormes, ne menant à pas grand chose. A commencer par l'introduction d'ailleurs, il faut bien 30-40 minutes pour que la problématique des logements soit enfin évoquée. Je ne sais pas si vous allez me comprendre quand je dis ça, mais j'ai eu l'impression de voir un roman noir en image, mais pas une adaptation de roman pensée pour le cinéma.
Résultat, même si je trouve que le film a une ambition folle, même si je trouve le travail global d'Edward Norton absolument remarquable, même si j'ai sincèrement envie d'aimer ce film, bah je n'y arrive pas vraiment. Ce sentiment de film longuet, mollasson, et finalement pas bien passionnant, parasite totalement mon appréciation. On ne va pas se mentir, le film n'a pas vraiment reçu un accueil populaire et critique à la hauteur de ses ambitions, j'ai malheureusement envie de dire que je comprends.
Ceci étant dit, on est sur une sorte de réadaptation moderne des livres d'Agatha Christie, notamment "Ils étaient dix" avec lequel j'ai trouvé pas mal de similitude ; à commencer par l'île. On est donc sur une construction déjà connue, assez classique, mais en revanche extrêmement bien écrite et menée. Malgré les nombreux personnages, on n'est pas perdu et on arrive à donner une personnalité et de l'intérêt à chacun dans le récit. Les retournements de situation et changements d'ambiance sont réguliers. C'est très distrayant, avec son montage et son rythme assez parfaits et ses touches d'humour bienvenues.
Pour twister le classicisme du scénario, on pourra largement compter sur la modernité de la mise en scène. Rassurez-vous, on est bien loin de l'ambiance feutrée d'un Hercule Poirot ou d'une Miss Marple ! Je ne vous cache pas que ce n'est pas forcément à mon goût personnel, je trouve ça trop tape à l’œil. Mais par contre, je sais reconnaître un travail objectivement très bien fait. Le décor et l'accessoirisation est hyper bien pensée (la boite cachant l'invitation est un excellent exemple : c'est qualitatif, inventif et marquant).
On pourra aussi compter sur un casting globalement très bon. Mention spéciale à l'excellent Edward Norton, d'une façon générale, il est vraiment génial dans ce genre de rôle de personnage assez détestable sur les bords. Et bien entendu, Daniel Craig fait plus que le job. Il tient ici une piste intéressante pour une saga qualitative post-007. On lui découvre un second degré et un potentiel comique que je ne soupçonnais pas forcément pour ma part.
Malgré une lenteur assumée, le film ne nous ennuie pas du tout. Il place savamment ses pions, pour créer une situation crédible et une ambiance lourde et convaincante. On suit une vraie enquête, on nous prend pas comme parfois pour des idiots, avec des policiers ayant un comportement complètement incohérent comme s'ils faisaient exprès de ne pas voir l'évidence. Ici, le cheminement de l'intrigue est réaliste, riche tout en restant parfaitement compréhensible pour le spectateur, et en ménageant son suspense jusqu'à la fin.
J'ai également trouvé la construction des personnages assez excellente. Ils ont tous une vraie densité, ce qui permet d'exploiter des ressorts psychologiques et moraux hyper pertinents. Il y a quelques années, Prisoners de Denis Villeneuve (sorti bien après ce film, mais personnellement je l'ai vu avais) m'avait beaucoup marqué sur ce point. J'ai aujourd'hui du mal à croire qu'il n'était pas au moins en partie inspiré de ce film tant il en partage les intentions ; et pour ma part, je trouve Mystic River plus réussi et équilibré.
Cerise sur le gâteau, le film est complètement tiré par le haut par ses excellents interprètes. Le casting est globalement assez parfait, rôles principaux comme secondaires. Mais celui qui m'a le plus marqué est sans aucun doute Sean Penn. Il nous propose ici une interprétation habitée d'un niveau rare, à la fois très puissante tout en restant sensible, ne basculant jamais dans un registre caricatural qu'on aurait facilement pu avoir.
On la retrouve ici dans une comédie romantique, disons le clairement, très niaise et prévisible en tout point. Mais à défaut d'être un bon film, c'est une vraie bonne distraction, on met le cerveau sur off et on passe simplement un bon moment sans prétention. Son message d'empowerment fonctionne bien, sur la longueur du film en plus : ce n'est pas si courant que ça de nous proposer, dès le début, un personnage féminin plus intelligent et plus talentueux que le personnage masculin.
Son ambiance irlandaise est également plaisante. Même si là encore, on ne reculera pas devant les clichés plus énormes les uns que les autres, la carte postale fonctionne quand même assez bien. Les paysages et lieux sont superbes, on prolonge l'ambiance dans les costumes ou encore la BO. La petite touche de fantastique du film, justement dosée, termine d'apporter un twist plaisant au film.
Je serais un peu moins tendre avec le scénario. Si on a le mérite d'être très rythmé et distrayant, ce qui permet de conserver un côté plaisant, on est quand même une sur intrigue assez courte et prévisible. Ça ne correspond pas à l'image que je me fais personnellement de la fantasy médiévale, qui m'évoque plutôt des univers ultra riches type Seigneur des anneaux. Malgré quelques points d'intérêts, on en est quand même très loin ici.
La seule vague originalité est la présence d'une héroïne féminine, avec un pied de nez assumé au conte et son cliché de la princesse qu'il faut sauver. J'ai cependant trouvé ce message un peu gros sabot et surtout trop partiel, incomplet et même maladroit par moments. [spoiler]Le personnage d'Elodie n'est certes pas sauvé par son beau prince, mais elle survit quand même en bonne partie grâce à l'intervention de son père. On n'a donc pas réussi à créer un personnage totalement indépendant. Mais surtout, au-delà de ça, j'ai regretté qu'on exploite sans pression d'autres stéréotypes féminins tout aussi problématiques. Notre héroïne est quand même très sexualisée, avec des rappels réguliers à sa beauté, et un costume qui se réduit comme peau de chagrin au fil du film. Le plus gros personnage de méchant dans le film n'est pas le Prince ni un quelconque autre personnage masculin, mais c'est bien la Reine, qui chapeaute tout ce plan macabre. Le personnage de la "Marâtre" exploite, du moins au début du film, tous les clichés du conte de fées traditionnel ; quand, à une époque où les familles recomposées sont si nombreuses, on aurait préféré qu'on reconnaisse dès le départ le pilier qu'elles peuvent être, l'amour et l'importance qu'elles peuvent avoir dans la vie d'un enfant qui n'est pourtant pas le leur. J'aurais vraiment apprécié une sororité plus globale, plutôt que juste un message sans finesse et pas forcément vrai "on a une héroïne donc on est forcément moderne". [/spoiler]
Je trouve aussi dommage que le film ne se soit pas saisi d'un message écologiste qui me semblait pourtant très évident. Très pertinent aussi, car ça aurait été une autre façon de proposer une version moderne du conte, une modernité plus transversale et globale. [spoiler]Plus précisément, on aurait pu bien mieux exploiter la façon dont sont tués les bébés dragons. J'aurais abordé plus frontalement cette façon que l'humanité a de croire que la nature lui appartient, qu'elle a droit de vie ou de mort sur les autres espèces, plutôt que d'essayer de vivre avec elles.
Pour finir, un mot sur Millie Bobby Brown, je sais que vous allez me détester pour avoir dit ça, mais elle ne m'a qu'à moitié séduite. Je trouve qu'elle manque de densité dans son jeu. Dans la première demi-heure du film, son naturel fait quelque peu illusion. Mais quand les choses sérieuses commencent, je l'ai trouvé quand même assez limitée et peinant à avoir vraiment l'air badass. Après, je sais aussi qu'elle n'a que 20 ans, c'est très jeune pour porter ainsi un film sur ses épaules. Elle a une vie devant elle pour devenir une grande actrice, donc on lui pardonne en partie ;)
Alors que ce n'est absolument pas le propos du film, bien au contraire. Dès la première scène on nous montre un inadapté social, brillant mais méprisant, froid, sans aucune capacité ni d'empathie ni de remise en question. Cette ouverture est vraiment brillante, je pense, car tout le film ne fera que confirmer cette première impression. La mi-analyse mi-sentence que le personnage d'Erica fait du personnage dans cette scène va nous hanter et le hanter pendant tout le film (très shakespearien).
Maintenant que j'ai vu le film, je comprends finalement l'intérêt que Fincher, plutôt le réalisateur des tueurs en série et autres psychopathes, a vu dans cette histoire. Comme il le dit lui-même, le fondement de sa carrière c'est de s'intéresser aux perversions des gens. Ses héros de film sont presque tous des monstres, et même s'il l'est d'une toute autre manière que les héros de ses autres films, il a un sacré client ici. Donc assez clairement, le savoir-faire du réalisateur opère, ça constitue un film à la fois catchy et distrayant, mais qui a aussi un fond assez édifiant : c'est selon moi la clé d'un bon biopic. Nous raconter la vie d'une personne, tout le monde peut le faire. Prendre de la hauteur pour, à partir de l'histoire de cette personne, dire quelque chose de nous, de la société et de la nature humaine, par contre, peu de gens savent le faire. Et ici c'est parfaitement exécuté, donc bravo au scénariste.
J'ai cependant été moins fan de la forme un peu décousue du film. Cette façon de mélanger les époques et d'imbriquer plusieurs procès les uns dans les autres. Ma comparaison vous semblera peut-être totalement déconnante, mais je trouve qu'Oppenheimer, le succès de l'année dernière, a une construction, un montage et une intention qui se rapproche énormément de ce film ; je me suis vraiment demandée s'il n'y avait pas eu une intention assumée en ce sens. Pour en revenir à Social Network, si le montage est qualitatif, ça m'a personnellement un peu perdu par moments. Alors pas dans le sens où j'ai perdu le fil de l'histoire, qui reste toujours clair, mais dans le sens où il est assez difficile de suivre tous les griefs des différents personnages, et finalement pouvoir nous aussi se faire une appréciation personnelle et éclairée de la situation, pas juste accepter bêtement verdict.
Quant à la réalisation, elle est indéniablement maîtrisée, c'est quand même David Fincher quoi. Mais je ne l'ai pas trouvée pertinente au vu du sujet. Je n'ai pas forcement compris le choix de photographie, avec cet aspect un peu sur papier glacé, alternant ambiance feutrée lumière chaude et froideur de l'éclairage au néon. Ça ne servait pas vraiment le propos je trouve. La BO est en revanche assez qualitative, sans être envahissante dans le film.
Côté interprétation, je suis un peu mitigée aussi. Attention : personne ne joue mal, mais je trouve qu'on on prend de plein fouet les limites d'avoir pour héros des personnages antipathiques. Le rendu est froid et on n'a pas vraiment un interprète qui sort du lot non plus. Jesse Eisenberg joue très bien cette espèce de sociopathe, mais c'est donc aussi par définition un personnage ne provoquant aucune émotion positive, auquel on ne s'attache pas. Armie Hammer a la particularité du rôle double, puisque jouant des jumeaux, mais dans son jeu rien ne distingue l'un de l'autre. Andrew Garfield s'en tire un peu mieux, avec finalement le seul personnage du film pour laquelle une forme de projection peut naître ; mais on ne peut pas non plus dire qu'il fournisse une grosse prestation d'interprétation. Justin Timberlake nous fait du Justin Timberlake, pas dans la finesse. Rooney Mara a un rôle trop anecdotique pour marquer les esprits.
Bon après maintenant il faut noter la chose, et malgré une assez agréable surprise pour ma part, je n'irais pas plus haut que la liste bronze, car ça reste très subjectivement une histoire qui ne me parle pas particulièrement. Je trouve aussi que le film a un côté trop générationnel : ça ne parlera ni à la génération avant ni à la génération après moi. Le film, à l'image du site dont il parle, a un côté "bulle" un peu déconnectée, effet de mode, qui fait qu'il vieillit moyennement bien, je trouve.
Je n'ai lu qu'un seul livre de Philip Roth dans ma vie (Pastorale Américaine), donc je ne vais pas vous faire croire que je suis une experte du bonhomme, ce n'est absolument pas le cas. Cependant, cet unique livre m'a vraiment laissé un souvenir fort et mémorable, entre son intrigue puissante et originale, et surtout son écriture très ciselée, plongeant comme rarement dans les méandres de l'âme humaine. Donc un film qui adapte l'un de ses livres est, dans mon esprit, synonyme de ces mêmes qualités et notamment d'émotion... que je n'ai ABSOLUMENT PAS ressentie ici.
Alors même que l'intrigue, cet homme replongeant dans ses histoires d'amour actuelles ou passées, réelles ou imaginaires (on ne sait pas vraiment), aurait complètement pu se prêter à l'émotion, j'ai plutôt eu le sentiment d'un film horriblement froid. On ne ressent rien devant ces différentes histoires, même quand il sera question de maladie grave ou de passion amoureuse. On ne ressent pas plus de chose quand on aborde d'autres sujets moins intimes et psychologiques. Par exemple le personnage est particulièrement favorable à l'État d'Israël et juge la fraîcheur de la société sur ce sujet comme de l'antisémitisme : ça devrait donc l'énerver, le mettre hors de lui, où a minima il devrait argumenter, tenter de convaincre les gens en premier lieu les spectateurs etc. Bah non. Il nous dit que ça l'énerve et ça s'arrête là. Encéphalogramme plat, chez lui comme chez nous.
Par ailleurs, la construction du film est assez spéciale. Le chapitrage semble un peu ringard et artificiel. Les scènes s'enchaînent sans qu'on vienne créer une cohérence quelconque. On saute en permanente du coq à l'âne, donnant au film un aspect aussi prétentieux que maladroit, d'un film partant dans tous les sens, prétentieux parce que maladroit.
L'interprétation m'a tout aussi peu séduite. Les acteurs ont globalement un jeu assez théâtral et aussi froid que le reste du film. Ils semblent réciter un texte trop écrit pour paraître naturel, et sans tenter de l'interpréter, de lui donner vie pour de vrai. Denis Podalydès s'en tire un peu mieux, avec son rôle principal lui ayant peut-être permis d'explorer plus en profondeur le personnage. Il profite aussi de certaines scènes plus fortes, par exemple son monologue habité sur la ville de Pragues, ou la scène du procès. Peut-être aussi sa plus grande expérience du théâtre, justement, joue en sa faveur. Ça lui donne une plus grande aisance dans l'expression d'un texte et d'une façon de parler qui n'est pas naturellement la sienne.
On retiendra quand même l'exercice de mise en scène du film. Même si là encore, ça manque de cohérence, la variété de styles qu'on arrive à créer dans un unique film est assez remarquable. Parfois très audacieux aussi, avec des décors parfois carrément inexistants. Ça manque cruellement d'âme, mais la technique est remarquable et forme la plus grosse qualité du film (la seule ?).
Pour le reste, on suivra une intrigue partant un peu dans tous les sens. Je n'ai pas vraiment eu le sentiment qu'un me racontait une histoire avec un cheminement ayant été savamment réfléchi. J'ai plutôt eu le sentiment qu'on savait comment on voulait commencer, comment on voulait finir, et qu'entre les deux c'était quantité négligeable. On a donc une succession de saynètes mal coordonnées, répétitives et peu passionnantes. L'ensemble nous amène en plus à un final attendu et qu'on avait deviné dès les 10 premières minutes du film.
Bref, ce n'était pas horrible à regarder, le côté très rythmé du film et l'énergie des interprètes nous embarquent quand même un peu avec eux. Mais l'ensemble n'a absolument aucun intérêt mon sens.
Il y a la pwachevski d'il y a 15 ou 20 ans, qui a vu le film avec son cœur. Je m'étais bien entendu faite avoir par son twist final, mais plus globalement, j'ai été prise par son ambiance. J'avais été d'éblouie par ce film et sa construction si spéciale, avec ses multiples flashbacks, son approche non-linéaire ; je garde un souvenir mémorable de ses interprètes et de sa BO également. Bref, c'est un film pour lequel j'ai toujours une sympathie infinie, tout simplement parce qu'il fait partie, avec d'autres, des films qui m'ont fait découvrir les possibilités existantes au cinéma et aimer ça.
Puis il y a la pwachevski d'aujourd'hui, qui s'est aventurée sur un revisionnage, et qui a vu le film avec ses yeux et son cerveau cette fois. Je connaissais la fin, donc je savais que je n'allais plus avoir la surprise. Mais cette fois-ci la mécanique du film m'a vraiment sauté aux yeux, les indices et autres sous-entendus qui peuvent permettre de deviner avant la fin m'ont semblé tellement évidents...
Finalement, le film a peut-être juste vieilli. A l'époque, il était le premier, ou l'un des premiers, à proposer ce genre de construction et c'est d'ailleurs ce qui lui donne son statut de film culte. Mais aujourd'hui on a tous tellement vu cette construction ailleurs qu'elle ne nous surprend plus forcement. Je pense vraiment que si j'avais vu le film aujourd'hui pour la première fois, j'aurais deviné la fin. Alors que dans le même temps d'autres films de la même génération et un peu dans la même veine, fonctionnent toujours très bien, je pense (Seven, Fight club, Oldboy,...). Cela dit, il paye peut-être aussi son budget assez limité, si on compare avec ces autres œuvres, qui se ressent par moment dans la réalisation.