K.O.

Mitigée par ce film. Ça partait bien, c'était plutôt distrayant et accrocheur, une fois lancé on a envie de savoir comment ça va se finir. Mais passé environ 1/3 du film, ça devient un peu n'importe quoi quand même...

Le pitch me parlait bien, car il y a complètement quelque chose d'actualité dans cette intrigue. Ça dit quelque chose de pertinent de l'évolution en cours du monde du travail, avec entre autres l'arrivée des nouvelles générations ou de profils plus diversifiés sur le marché, l'envie d'être mieux respecté en entreprise, d'environnements sains et épanouissants, ou la reconnaissance de maladies comme le burn-out. Ça rappelle aussi entre autre le mouvement #MeToo ; quoi que je vois que le film est sorti juste AVANT, il était donc en réalité assez précurseur sur cette thématique, énorme point positif quand même. Plus largement, je pense qu'il y a pas mal d'hommes, notamment de 40 ans et plus mais pas seulement, qui pourraient complètement se reconnaître dans le personnage d'Antoine. Sans parler de cas aussi problématiques que ce qu'on voit dans le film, mais juste d'hommes qui voient leurs certitudes et pratiques être remises en cause et qui très sincèrement ne savent plus forcément sur quel pied danser.

Ajoutons à ça que d'un point de vue technique, le film se défend assez bien. Si on n'a pas un style de réalisation particulièrement audacieux, le film est propre quand même. On arrive hyper bien a nous plonger dans l'univers télévisuel, avec la reconstitution des plateaux de tournages etc. Laurent Lafitte dans le rôle principal fait le job, il est crédible, juste dans son ton, touchant quand il le faut. On a une brochette de seconds rôles plutôt plaisante, entre autres Pio Marmaï et Chiara Mastroianni.

J'ai donc vraiment pas compris le naufrage qui arrive ensuite...

Principalement ce dérapage incontrôlé vers le "mindfuck movie". Particulièrement déplaisant car l'intrigue ne s'y prêtait pas vraiment je pense, et parce qu'on ne l'annonce pas assez clairement avant qu'on commence le film. Enfin je veux dire, quand on va regarder un film de David Lynch ou de Christopher Nolan : on sait que ça va être le bordel, on s'y prépare du coup, on ne se braque pas au premier truc bizarre, alors que là... Sans compter les références extrêmement maladroites au film Fight Club. Spoiler(cliquez pour révéler)Et encore, heureusement qu'on n'a pas osé pousser la référence jusqu'au bout. J'ai vraiment eu peur avec le personnage Benezer qui apparaît toujours à des moments inattendus et qui aurait fait un parfait nouveau Tyler Durden, et là le film serait allé directement en liste pas apprécié (pardon si je suis brumeuse, mais j'essaie de ne pas spoiler cet autre film non plus). Ce n'est pas complètement incohérent, comme on est finalement dans un rêve comateux du personnage, que des références culturelles populaires soient exploitées pour produire son rêve. Mais on aurait alors dû y aller à fond, comme Vanilla Sky l'a fait, en s'inspirant aussi de la littérature, de la musique, d'autres films... Pas juste rester comme ça sur une unique référence, qui fait du coup copier/coller raté !

Ce dérapage est aussi désagréable car ça gâche complètement le potentiel scénaristique du film. Comme on se perd dans cette construction de film improbable, bah on a plus le temps de traiter de son sujet de départ. Et quand on le traite, c'est finalement avec une grande maladresse. Spoiler(cliquez pour révéler)In fine, on ne suit donc pas à un personnage qui est poussé a réinterroger ses pratiques professionnelles et personnelles pour devenir un homme meilleur, parce qu'à un moment on lui a mis le nez dans son caca. On est sur un type qui tombe en bas de l'échelle, qui subit des choses inacceptables, mais qu'il serait tout à fait capable de faire vivre à d'autres si la situation s'inversait (pour preuve la scène de la réunion, où il propose sans pression de virer une des participantes pour prendre son poste). On continue de présenter un univers professionnel malsain, sexiste et qui éprouve ses employés, sans que personne ne fasse grand chose pour changer cela. Sans qu'on le dise clairement, le personnage d'Antoine montre une angoisse, voire un rejet, face à certaines évolutions du monde du travail, notamment des femmes sur des postes à responsabilité, ou une certaine discrimination positive, mise en place pour donner ça chance à des personnes qui ont un profil moins privilégié au départ - deux choses montrées comme négatives durant son rêve, qui l'empêcherait lui de briller. Mais à la fin "POUF" merveilleux, le gars retrouve sa vie du début et devient soudainement un ange ?! Mais non quoi. Derrière une apparence de positivité, on continue de véhiculer des idées nauséabondes sur le monde du travail en fait. Et je suis pas sûre qu'on apportera beaucoup de réponses aux gens qui a l'instar d'Antoine peuvent se sentir perdu dans ce monde en évolution.

L'atmosphère froide des premières scènes nous promet un thriller psychologique de bonne tenue. Malheureusement, nos espoirs semblent vite vains. Une intrigue inutilement compliquée à suivre (et peu passionnante) et un twist final qui ne surprend guère et dont on se fiche d'ailleurs, notre intérêt ayant disparu depuis longtemps.

Le film gère bien le suspense malgré quelques longueurs (il aurait pu être écouté d'un bon quart d'heure), et le dénouement est finalement relativement surprenant, ne tombant pas dans une morale lourde à laquelle on aurait pu s'attendre ; mais on y retrouve des clichés (notamment dans les relations entre les personnages) assez lourds et des intertextes Spoiler(cliquez pour révéler)(je pense à Fight Club ou Inception) qui au lieu d'enrichir le film, font impression d'une pâle copie.

De plus, si message il y a, je ne suis pas sûre d'y adhérer Spoiler(cliquez pour révéler)(je n'ai pas eu une once de compassion pour le personnage, et je ne trouve pas crédible une espèce de repentance de l'homme d'affaire misogyne et sans pitié) . Bref, une bon divertissement mais sans plus.