Je viens de voir ce film au cinéma. N'ayant pas lu l'œuvre littéraire je ne vais pas pouvoir comparer. Mais déjà bon point pour le film, on ne sent pas les 3h passer.

Les biopics musicaux ne cessent de pulluler sur nos écrans ces dernières années, surtout depuis le succès de "Bohemian Rhapsody" en fait et c'est cette fois autour d'Amy Winehouse d'y passer. Réalisé par Sam Taylor-Johnson, le film ne nous raconte en réalité pas toute la vie de chanteuse mais se concentre sur la réalisation de l'album "Back to Black" et de son contexte, c'est-à-dire l'histoire d'amour entre Amy et Blake Fielder-Civil dont ce dernier a souvent été accusé de la descente aux Enfers de la chanteuse.

Alors le film essaye tout de même de dresser un portrait un peu moins manichéen du couple en montrant notamment qu'Amy avait quelques problèmes psychologiques avant même sa rencontre avec Blake. Et puis surtout, Amy a également énormément souffert des journalistes et de cette soudaine célébrité difficilement gérable surtout aussi jeune. Néanmoins, Blake est tout de même présenté comme étant une personne relativement nocive et toxique mais surtout profiteuse.

Le vrai du faux ? On ne le saura finalement jamais car on voit surtout que c'est le père qui est derrière le film, enfin d'après la réalisatrice, il n'a pas eu son mot à dire sur la production mais sa représentation dans le film est tout de même plutôt suspecte.

Effectivement, ici on a un père qui est dépeint comme gentil, attentionné et faisant avant tout attention à sa fille, sans parler de la relation très fusionnelle qu'ils entretiennent. Alors qu'ailleurs, Mitch Winehouse est dépeint comme cupide et était surtout accusé de la descente aux enfers d'Amy.

De plus, nous avons ici un biopic finalement assez gentillet. Alors il n'est pas non plus question de tomber dans le voyeurisme mais on ne voit pas vraiment la chanteuse prendre de drogues dures, elle boit juste de temps en temps, décide d'aller elle-même en cure après une petite discussion avec son père et est finalement que trop rarement montrée sous l'emprise de diverses substances alors que c'était quand même ce qui alimentait les tabloïds de l'époque. Encore une fois, il ne s'agit pas de tomber dans du simple voyeuriste putassier mais de là à ce que ce soit pratiquement absent d'un biopic soulève tout de même quelques questions, surtout lorsque c'est un élément aussi important.

En dehors de ça, bon, le film se suit assez facilement, le tout est plutôt bien rythmé et puis surtout, Marisa Abela joue très bien !

"Back to Black" est donc un biopic un peu creux devant lequel on ne passe pas pour autant un mauvais moment mais à voir avec un regard averti, comme tout biopic en réalité.

Un film ô combien bouleversant !

Les femmes à barbe ont longtemps fait les beaux jours des foires, ou autres cirques, des numéros de voyeurisme, pour lesquels le public pouvait payer très cher, fascination, moqueries, c’est un spectacle qui attire les foules, mais comme son nom l’indique, oui, c’est un spectacle, bien souvent assez faux, alors qu’en est-il lorsque ce phénomène touche véritablement une femme, doit-elle se cacher, l’accepter, l’assumer. Nous sommes en France, à la fin du 19ème siècle, peu de temps après la guerre, dans un petit village plutôt rural où la population n’a que peu de perspective, une vie plutôt pauvre, sans grand attrait, une vie de labeur, sous le joug d’un patron pour le moins autoritaire et d’une église qui possède encore un grand pouvoir sur ses ouailles, dictant une bonne conduite particulièrement drastique. Alors, dans ce milieu extrêmement strict, une jeune femme doit entrer dans le rang, ne pas sortir du lot, servir plus de potiche qu’autre chose, respecter les codes de son rang, de son sexe, se faire discrète, tout en étant un soutien infaillible pour son mari, mais lorsqu’elle n’est rien de tout ça, il devient très difficile de simplement survivre dans ces conditions. Il est évident qu’une femme qui assume ses particularités, mais plus encore, une femme lettrée, intelligente, qui prend son destin à bras le corps, faisant fi du regard des autres, qui fait son possible pour s’élever, mais plus encore, pour que tous ceux qui l’entourent, puissent bénéficier d’une meilleure vie, d’un semblant d’épanouissement, ça ne plaît pas, ça dérange, une femme qui fait du bruit, ce n’est pas possible, ce n’est pas dans l’ordre des choses, alors on fait tout pour la faire taire. La réalisation de Stéphanie Di Giusto est d’une beauté à couper le souffle, loin des monstres de foire, elle a réussi à faire de cette particularité, une poésie, une élégance extraordinaire, insufflant un éclat hors du commun à son travail, à son univers atypique, mais tellement riche de messages. Visuellement, en plus d’une reconstitution de l’époque, particulièrement bien travaillée, l’accent est mis sur la nature, sur son côté sauvage, sur ces forêts où les éléments sont d’une beauté brute, seul endroit où notre héroïne semble être en accord, parce qu’ici, il n’y a pas de jugement, parce qu’ici, elle peut vivre telle qu’elle est, sans faux-semblants, sans se cacher. En ce qui concerne le scénario, il est là aussi, formidablement écrit, d’une justesse extraordinaire, bien que tout en simplicité, son importance réside dans son récit, dans tous les messages qui sont véhiculés, dans la force des émotions qui sont mises en avant et qui viennent nous toucher en plein cœur. Parce que c’est une histoire d’acceptation, de sa propre identité, de son propre corps, mais aussi celle des autres, un récit sur la différence, sur l’intolérance qu’elle peut entraîner, sur le jugement des autres, qui peuvent entraîner tant de souffrances, parce que malgré une force de caractère extraordinaire, on ne peut parfois pas faire face à tant de haine. Quant au casting, il est absolument magistral, l’interprétation de Nadia Tereszkiewicz est tout simplement époustouflante, Benoît Magimel est toujours aussi extraordinaire de justesse et Benjamin Biolay est terrible de froideur.

En bref : Un film qui fait la part belle à la femme, avec toutes ses particularités, forte, volontaire, intelligente, elle l’est pourtant trop pour l’époque, trop à part, pas assez dans le rang, c’est un récit atypique, qui résonne pourtant de tant de vérités, une histoire sur la différence, la tolérance, l’acceptation, s’assumer envers et contre tous, peu importe le regard des autres, mais ce n’est pas toujours suffisant et cette apparence de force vient se fendiller sous la persécution de ce monde extérieur si malveillant !

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