Commentaire de pwachevski

Probablement le film le plus connu de Haneke, le plus primé en tout cas, donc de fait supposé être le point culminant de sa carrière. J'en reste un poil sceptique pour ma part. Non pas que j'ai trouvé le film mauvais (une liste bronze n'est pas une mauvaise liste pour moi) mais je l'ai trouvé finalement trop peu représentatif de son cinéma. Je n'ai pas vraiment retrouvé son style, ou pas assez en tout cas. Je pense que son autre Palme d'or, Le ruban blanc, qui pour le coup comprend tout ce qui fait son cinéma, mériterait bien plus que ce film ce statut.

On l'adore ou on le déteste pour ce motif, mais Haneke fait des films très cérébraux, complexes, où on ne nous donne pas toutes les clés, à nous de phosphorer pour les comprendre. Bah rien de ça ici. L'intrigue est très claire, très franche, très linéaire. Pas un gros terrain à réflexion, même quand on aurait pu facilement ouvrir un vrai débat, notamment sur la question de l'euthanasie humaine / suicide assisté... Bah on n'y va pas. Une vague évocation, tout au mieux. Idem pour la question des violences sur les personnes âgées dépendantes.

Haneke est aussi connu pour la violence de ses films. Là encore, ce n'est pas ce que je dirais de ce film. Le film n'est pas facile, parce qu'on parle du grand âge, parce qu'on ne nous cache pas grand chose de cette déchéance et parce que c'est l'exemple type du sujet tabou qu'on ne regarde pas en face, alors qu'on y sera littéralement tous confronté un jour, personnellement ou comme aidant. Le film est d'ailleurs très original à ce titre, car c'est un sujet rarissime au cinéma (et ailleurs). Mais le film n'est pas violent, il se veut au contraire assez doux, puisque comme son titre l'indique, ça reste avant tout une histoire d'amour.

Bien entendu que cette histoire d'amour m'a touché. Le duo Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant est magnifique de justesse et de sincérité. Ce n'est pas l'amour le plus démonstratif qu'il soit, mais il y a quelque chose d'universel dans cette complicité, cette tendresse, ces souvenirs communs qu'ils partagent. Mais je n'ai pas été touchée en plein cœur. Je pourrais pas vous dire exactement pourquoi, mais je suis restée en surface, je ne m'y suis pas projetée. Par exemple le personnage de la fille, jouée par Isabelle Huppert, n'est pas suffisamment exploité, alors qu'il aurait pu apporter un degré d'émotion supplémentaire.

Peut-être que le film est trop personnel finalement ? Haneke indique s'être inspiré de la fin de vie de sa tante, qui l'a élevé comme un fils, puis il n'est pas tout jeune lui non plus. Je ne doute pas de sa sincérité, le quatrième âge n’étant pas un sujet "bankable", on n'y va pas si on n'est pas sincèrement touché par ce genre d'histoires. Mais arriver à retranscrire et partager son émotion, quand toute sa vie on a revendiqué un cinéma sans sensiblerie, ce n'est pas évident, et pour moi il n'y arrive pas.