Mais quelle claque de film ! Ne vous laissez pas avoir par le titre, bien que le film évoque l'Australie à un moment, ce film n'a absolument aucun rapport avec la découverte d'un nouveau continent ou que sais-je de l'ordre de l'aventure. C'est vraiment un drame psychologique, assez pesant en plus, à réserver à un public averti en tout cas - comme une bonne partie de la filmographie de Michael Haneke, d'ailleurs (voire toute sa filmographie ?).
On s'inspire d'un véritable fait divers pour en tirer le portrait d'une famille assez lambda, on pourrait tous être ces gens, la projection est si simple. Vraiment la famille sans histoire, métro boulot dodo, les deux parents travaillent, ils ont plutôt une bonne situation même. Ils ont une fille d'une petite dizaine d'années, qui fait quelques bêtises comme tous les enfants, mais rien de bien méchant. Et cette famille banale, bien sous tout rapport, va pourtant faire un très curieux choix
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, celui du suicide collectif. Oui, y compris la fillette, pour qui les parents décident de ce terrible sort.[/spoiler]
Le film aborde donc des thématiques plus qu'audacieuses, carrément dérangeantes, d'autant plus quand il est question de l'enfant. C'est un film violent, mais presque uniquement sur des aspects psychologiques, quasiment rien ne nous est directement montré. Pour ma part, ça a fonctionné exactement comme le souhaitait le réalisateur, ça m'a vraiment plongé dans des émotions très fortes et pas agréables, un malaise, une certaine angoisse profonde. Clairement, le film est cryptique, remue son spectateur et, en bien ou en mal, ne laissera personne indifférent. Pour ma part, il me restera longuement en mémoire, car j'ai trouvé l'expérience assez remarquable à vivre. Je me demande même si le film n'est pas plus séduisant, finalement, dans le souvenir très fort qu'il nous laisse, comme une marque indélébile, que strictement pendant le visionnage. Car le malaise nous poursuit bien après le film, c'est vraiment le genre d’œuvre qu'on laisse décanter, qu'on analyse, digère, longuement. [spoiler]Par exemple, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi la scène que j'ai trouvée la plus dure à soutenir est... la mort des poissons. Cette scène est pourtant tellement insignifiante à l'échelle du film, mais la façon dont elle est filmée la rend horrible. J'ai très envie de croire que cet effet contradictoire était parfaitement recherché par le réalisateur.
Le film m'aura cependant un peu déçu sur un point. Alors pas tant sur l'absence d'explication réelle de leur geste : oui, ça peut dérouter, car c'est au spectateur de se faire son explication. Mais c'est la maque de fabrique du réalisateur, je l'accepte pour ma part, d'autant plus que je pense qu'on nous donne quand même des pistes, avec un deuil mal digéré, des métiers peu passionnants, une routine monotone, mécanique, des médias peut-être un peu trop présent dans la vie des personnages, ou encore un sentiment de désamour pour la fille. Ce qui m'a plus dérangé, moi, c'est l'absence totale de développement psychologique des personnages. Finalement, dès le début du film, ils sont déshumanisés, transparents, interchangeables. Si j'aime bien quand les réalisateurs nous font confiance, ne nous prennent pas trop par la main, sur ce genre de thème hors normes, on aura quand même vite fait de se sentir un perdu. Pour le coup, je pense que ça aurait fait gagner encore en profondeur au film. Puis bon, j'entends aussi que le rythme très lent du film et les scènes se tirant parfois très en longueur, ne soient pas du goût de tout le monde, même si moi ça ne me dérange pas le moins du monde.
D'un autre côté, je trouve tellement fascinant de voir que dès son premier film, Haneke a su imposer ces thématiques qui n'appartiennent qu'à lui, son style de réalisation affirmé et son montage extrêmement précis. Dès ce premier film, on sent qu'il savait déjà très bien où il allait, ce qu'il avait à raconter, comment il voulait le raconter et à quoi il voulait que son œuvre ressemble. Rien que pour ça, chapeau bas, car on ne peut pas dire ça de beaucoup de premier film.