Sexe, mensonges et vidéo

Je confesse que je n'ai jamais été une grande fan de Steven Soderbergh, mais je voulais laisser une chance à ce film, qui a eu la Palme d'or en 1989 ; pour un premier film, et alors qu'il avait genre 25 ans, belle performance quand même. Malheureusement, ça confirme juste mon manque total d'atomes crochus avec le réalisateur.

On suit un couple en crise, Ann et John, qui accueille à son domicile Graham, un ami d'enfance du mari. Le gars est une espèce de pique-assiette très agaçant, au mode de vie et aux réactions étranges. Pompon sur la Garonne, il a pour habitude de demander aux femmes qu'il rencontre d'obtenir d'elles des révélations sur leur vie sexuelle, qu'il filme pour les revoir ensuite ; on sous-entend largement qu'il se masturbe en les revoyant. Et bien entendu - c'etait tellement attendu - Graham va vouloir jeter le grappin sur Ann.

Je ne peux pas dire que ce soit le pitch qui me parle le plus de base, mais à la limite pourquoi pas, ça pouvait créer un film un peu subversif. Ça l'a sûrement été d'ailleurs lors de sa sortie. Mais aujourd'hui, mon unique réaction est de me dire que ça terriblement mal vieilli, ne fonctionne plus du tout et n'a plus aucune pertinence. Cette notion existait pas à sa sortie, mais aujourd'hui, on parlerait complètement de "mansplaining". C'est quand même un film supposément sur la sexualité, le désir et la libido des femmes, mais fait par un homme, qui ne cherche en rien à la comprendre. Plutôt que de donner la parole aux principales concernées, il déroule juste sa propre vision biaisée de la situation en la présentant comme la réalité, ou pire la norme ; le tout saupoudré d'une bonne dose de psychologie de comptoir.

Outre les personnages féminins caricaturaux au possible (la femme "pure" vs. la femme délurée, comprendre un peu salope) on déroule un fantasme masculin totalement unilatéral, puisque la femme filmée n'y gagne littéralement rien. Je précise qu'on ne joue pas du tout sur le registre du fantasme d'être regardé, dont on pense ce qu'on veut, mais qui aurait au moins rééquilibré la situation. Pourtant, malgré cette relation complément malsaine, Graham n'a pas besoin d'insister pour obtenir ces confidences de ces femmes. Littéralement, il propose cela à des femmes qu'il connait à peine et sans aucun préambule, et elles lui disent "ok", comme si tout était normal, alors que ça n'a aucun sens. C'est bizarre à dire, mais le film serait plus crédible s'il obtenait ces confidences par la ruse ou la contrainte. Là ça fait malheureusement passer toutes les femmes de ce film... pour des idiotes.

Graham passe lui pour un type "normal", on ne juge pas ses actions, alors que son comportement est tout sauf ok ; on tendrait même de créer une empathie, comme s'il fallait qu'on comprenne et ait de l'indulgence pour ce pauvre garçon avec son blocage. La conclusion du film terminera d'achever ce constat de déséquilibre. Spoiler(cliquez pour révéler)Avec tout d'abord un John lui aussi puant au possible, ne supportant pas le fait que sa femme ait passé du temps avec Graham (il ne découvrira l'ampleur de la situation qu'ensuite) alors que lui, dans le même temps, la trompe, avec sa sœur en plus, et ça ne lui pose aucun problème moral particulier. Il va donc le violenter, histoire d'être toxique jusqu'au bout. Et finalement une Ann tellement ravie d'avoir trouvé un homme qui ait réveillé son désir sexuel, qu'elle en oublie tout le reste, et fini en couple avec lui...

Non mais vraiment, il y a tout à reprendre pour moi dans ce scénario. La seule indulgence que je peux avoir, c'est de l'âge du film, qui ne rend pas le traitement moins cringe quand on le regarde aujourd'hui, mais j'imagine qu'il est en bonne partie que le reflet d'opinions perçues comme normales à cette époque.

Un film américain qui étonne par son ambiance. On dirait un film intimiste français, centré sur les relations homme-femme, de l'époque Rohmer, du moins pendant la première moitié du film. On a du mal à croire que c'est le même réalisateur qui a commencé la saga des Ocean's 11/12/13, 12 ans après. Le film se déroule en entier en intérieur, il n'y a presque pas de cris, juste quelques éclats de voix, ce qui contribue à donner un sentiment de calme Spoiler(cliquez pour révéler)(à part un coup de poing vers la fin...). On pourrait croire qu'on va s'ennuyer, mais en fait pas du tout, le calme n'est qu'apparent, les coeurs des personnages bouillent au contraire. Un bon film à découvrir.

Bon, mon commentaire ne sera pas aussi constructif que le précédent, je vais faire ce que je peux.

En gros les acteurs jouent à la perfection des personnages où la complexité humaine, de nos émotions, de nos désirs est mise en avant. Bien sûr que James Spader joue bien, c'est le meilleur acteur du monde (non, non ce n'est Absolument Pas subjectif x) !). Comme le dit Rowan le scénario peut sembler simple, mais ce n'est que sur le papier.

Personnellement, je n'ai pas trouvé le temps de m'ennuyer, je vous le conseille vivement !

"Sexe, mensonges et vidéos" est un film qui captive grâce à des personnages complexes et mystérieux et des dialogues troublants. Premier film de Soderbergh, et celui-ci avait déjà des capacités de mise en scène impeccables. James Spader est juste impressionnant dans le rôle de Graham, un personnage génialement construit. L'intrigue paraît minimaliste, mais est en réalité très vaste car elle concerne l'existence entière de ces personnages, tous prisonniers de quelque chose dont ils vont devoir se défaire. "Sexe, mensonges et vidéo", ou la virtuosité dans une apparente simplicité.